La résistance au féminin en zone occupée durant la Grande Guerre


Compte rendu de la conférence donnée le 19 avril 2017 par Hervé Gournay


Introduction

La guerre 14-18 fut le premier conflit dans lequel les femmes ont pris une part aussi active dans la résistance à l’ennemi. Cet engagement ne fut pas reconnu suffisamment. Pourtant, elles furent quelques centaines à lutter dans les rangs de réseaux de résistance. Le conférencier explorera la nouveauté du phénomène, les motivations les plus courantes des résistantes et enfin, l’évocation du destin de quelques-unes : de la plus connue, Edith Cavell, à la plus méconnue, Rebecca Besnard, dans le cadre du réseau franco-belge, dit « de Edith Cavell ».

A. Nouveauté du phénomène

A.1 Contexte

L’offensive allemande d’août 14 provoqua les défaites de Mons et de Charleroi et la retraite précipitée des Britanniques et de la 5e armée française, laissant beaucoup de soldats à l’arrière de l’armée allemande. Certains seront faits prisonniers et beaucoup
se cacheront chez l’habitant, du Borinage au Nord occupé de la France ainsi que dans les forêts avoisinantes. Cette situation obligera les patriotes à héberger, ravitailler et 
soigner les blessés. Ensuite, il faudra, à l’approche de l’hiver, évacuer les soldats alliés cachés vers le pays neutre de la Hollande.

En début 1915, dans la région qui va de Valenciennes à Avesnes en passant par Maroilles et la forêt de Mormal, les patriotes confient le sort de ces soldats à Louise Thuliez et Henriette Moriamé qui entrent en relation avec le réseau d’Edith Cavell, infirmière d’origine britannique. Cette organisation d’évasion et de renseignements va donc permettre d’évacuer les soldats alliés vers la Hollande. Cette entreprise est très périlleuse car le mot d’ordre du Général Saubergweig, gouverneur militaire à Bruxelles est clair : « pas de pitié ! »

Les réseaux se classent en deux périodes :

  • de 1914 à 1916 : les réseaux spontanés ;
  • de 1916 à 1918 : les réseaux professionnels plus intéressés par l’appât du gain.

A.2 Composition des réseaux de la première période

  • Celui des presbytères où les curés de village sont en première ligne.
  • Celui des nobles et des notables qui vont encadrer les différents mouvements de résistance où s’engagent les paysans, ouvriers, commerçants et leurs épouses.

A.3 Actions des réseaux

— En priorité : l’évasion des soldats vers la Hollande ;

— ensuite, le passage d’ouvriers sidérurgistes côté France libre et Grande-Bretagne ;

— le renseignement par l’intermédiaire des soldats évadés.

A.4 Fin des réseaux

suite aux dénonciations et aux maladresses des résistants

B. Les motivations des résistantes

  • Être infirmières de la Croix-Rouge française (pour les jeunes femmes issues des milieux aisés) ;
  • être une bonne chrétienne pratiquante : la charité motive la résistance féminine.
  • Être d’origine britannique ;
  • être patriote, valeur universelle à cette époque ;
  • avoir une place en vue, une vie aisée.

Cependant le gros des troupes de résistantes est composé de femmes modestes qui œuvrent dans l’anonymat et qui seront dans leur grande majorité oubliées !

C. Destins de résistantes

Edith Cavell, figure emblématique et clé de voûte du réseau

Edith Cavell

Née en Angleterre (1866), elle fera ses études à Bruxelles puis en Suisse et en Allemagne. Elle sera par la suite gouvernante et diplômée-infirmière au London Hospital, puis directrice de l’hôpital d’Uccle en 1906, elle crée une école de formation pour  infirmières. En août 1914, elle transforme son « nursering house » en hôpital militaire. Patriote anglo-belge de premier plan, elle sera fusillée le 12 octobre 1915. Sa mort provoqua une énorme vague d’indignation et ensuite des enrôlements en masse de soldats britanniques.

Marie de Croÿ 

Le prince Reginald et la princesse Marie de Croÿ au château de Bellignies. Leur château sert de base aux premiers actes de résistance, leur fortune aussi, en rémunérant les évadés. Ils s’occupent également de la transmission de la correspondance et des renseignements. Marie sera arrêtée et déportée et Reginald passera en Hollande. Ils seront à la victoire, récompensés de multiples décorations.

Jeanne de Belleville

La comtesse Jeanne de Belleville. Sa famille s’installe au château de Montigny-sur-Roc à la fn du XIXe siècle. Infirmière à la Croix-Rouge, elle soignera bon nombre de soldats anglais. Membre actif du réseau « Edith Cavell », elle servira d’intermédiaire entre le château de Bellignies et le réseau belge. Arrêtée en août 1915, condamnée à mort puis aux travaux forcés à perpétuité (suite aux
interventions de personnalités internationales) elle sera finalement libérée le 8 novembre 1918. Elle recevra la Légion d’honneur.

Louise Thuliez, « femmes courage », passeuse de réseau

Louise Thuliez

Née en 1881 dans une famille chrétienne, elle devient licenciée es lettres. Plus tard, elle crée un hôpital de campagne à Saint-Waast. Ensuite, elle monte un réseau d’évasion avec le prince de Croÿ.
Elle était d’un courage rare et d’une résistance exceptionnelle à la fatigue. Elle participera à l’organisation d’Edith Cavell et au réseau du « Mot du soldat ». Arrêtée à Bruxelles puis condamnée à mort en octobre 1915, en même temps qu’Edith Cavell, elle sera graciée. Après un second procès à Cambrai, elle sera condamnée à mort puis aux travaux forcés à perpétuité. Déportée, elle rentrera en France à la Libération. Toute sa vie, elle a gardé sa tenue de prisonnière qu’elle portait en Allemagne.

Henriette Moriamé, « femmes courage », passeuse de réseau

Amie et fidèle compagne de Louise Thuliez, elle participera à toutes les randonnées nocturnes dans la forêt de Mormal. Elle était intelligente énergique et infatigable. Elle échappera à l’arrestation des membres du réseau, entrera au couvent de Mafes en Belgique où elle décèdera le 24 août 1918.

Béatrice Mailliard, un témoignage précieux d’après-guerre

Béatrice Tottie, née à Cheetham en 1867, épousera le français Evence Mailliard, le plus important industriel de Maroilles qui rédigera un rapport en 1919 sur la genèse et les activités du réseau Cavell. Ce rapport renforce le témoignage du livre écrit par son
épouse Béatrice en 1934. Il faut signaler que bon nombre de rapports similaires ont été écrits en 1919 et étaient nécessaires pour obtenir la médaille de la Reconnaissance française puis celle des Victimes de l’invasion.

Rebecca Mac Shane alias Madame Besnard, l’oubliée de Valenciennes

Orpheline à 13 ans, elle poursuit ses études à Birmingham grâce à son tuteur, puis en 1887, elle s’installe dans la famille Stewart pour faire le ménage. Elle sera séduite par le fils, battue et martyrisée. Elle parvient à s’échapper en 1887. Il naîtra de cette liaison une fille, certainement abandonnée, que Rebecca ne reverra plus.
Cette femme meurtrie débarque en France en 1889 pour se retrouver gouvernante chez le célèbre ophtalmologue Henri Dransart à Somain. Ensuite, elle épouse un caissier de commerce, Besnard dont elle divorcera en 1904. M
me Besnard, ainsi dénommée, réside à Valenciennes en 1914. Elle va être à l’origine des contacts entre les Mailliard de Maroilles et le réseau Cavell.
Elle jouera un rôle important dans l’organisation des secours de la Croix-Rouge à Valenciennes. Elle accueille des réfugiés et les ravitaille. Son dévouement est extraordinaire. Hélas, lors de l’évacuation des habitants de Valenciennes par les Allemands, elle sera hospitalisée à l’Hôtel-Dieu de la ville et mourra de la grippe espagnole. René Delame, un notable de Valenciennes qui témoignera dans un livre du rôle important de Rebecca, regrettera amèrement que cette infirmière exemplaire ne soit pas décorée!

D. Procès de 1919, un épilogue peu connu

Au lendemain de la libération, les grands procès de traîtres commencent. Celui de Gaston Quien, dénonciateur présumé du réseau Edith Cavell se déroulera à Paris en fin août 1919. Les principaux collaborateurs du réseau vinrent témoigner et c’est au fil
de ce procès que les protagonistes du réseau vont faire connaissance !

Quien sera finalement, après un nouveau procès en 1920, envoyé à Cayenne jusqu’en 1936 sans qu’on ait pu déterminer son rôle dans cette dénonciation. 

E. Conclusion

Que faut-il retenir de cet épisode courageux de notre histoire ? Ces femmes n’ont pas bénéficié de la même reconnaissance que les soldats de la grande guerre et elles méritaient l’édition de plus d’un livre pour leur rendre hommage et davantage de récompenses. Et dire que ces femmes exemplaires n’ont pas obtenu le droit de vote !

C’est dificilement compréhensible !


Compte rendu rédigé par Léon Fassiaux, d’après le texte du conférencier.

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