Les usines de carreaux céramiques, des produits réfractaires et de grès à Bourlers et à Forges 6



Résumé de la conférence donnée le 24 février 2016 par Christian Constant


La fabrique Martin à Bourlers

 

La fabrique Martin

La fabrique Martin

Cette entreprise qui changera de forme, de société et d’enseigne plusieurs fois en un siècle d’existence est érigée au lieu-dit « Trieu Jean de France » au bout du « Chemin de la Forge Jean Petit » actuellement « rue des Usines » appelée familièrement « ruelle à Blosses » par les Bourlésiens.

Après les installations en 1861 et en 1862 de MM. Léon Lenoir de Forges et Julien
Bolle de Thuin destinées surtout à la fabrique de tuyaux de drainage mais dont nous ne connaissons pratiquement rien, sept ans plus tard en 1869, le conseil communal accorde l’autorisation aux « Sieurs » Martin et Baumel de Chimay de créer une fabrique de tuyaux de drainage, pannes et carreaux au même endroit avec l’installation d’une machine à vapeur (4 chevaux) à 500 m des habitations.

À la mort, assez précoce, de Baumel, Edouard Martin est désormais le seul patron.
Il est né en 1814 à Beaumont, puis vient s’installer rue du Château à Chimay car
il occupe alors d’importantes fonctions au service du Prince de Chimay (régisseur,
intendant). La fabrique sera toujours connue et dénommée Fabrique Martin jusqu’à sa disparition en 1984.

En 1880, Julien Dandenelle, contremaître à la Fabrique Lange (cf. conférence de
2015) reprend la Fabrique Martin et crée la société « Julien Dandenelle et Cie ». La
qualité de ses produits est reconnue (médaille d’argent en 1903 à Bruges pour des
pavements imperméables dans les étables).

En 1912, les actionnaires de « Dandenelle et Cie » souhaitent transformer la société en nom collectif en société anonyme afn de protéger leur patrimoine et c’est ainsi qu’en février 1913 naît la S.A. « Produits Réfractaires et Grès Cérame de Bourlers ». Pendant de longues années, la fabrique sera le fournisseur privilégié des usines St-Roch à Couvin. Fameux marché ! Pour les transports, il fallait recourir à des voituriers. En 1903, c’est l’arrivée du tram à vapeur, mais il faut encore tout transposer à l’arrêt du Pavillon. En 1932, c’est l’autonomie avec l’acquisition d’un camion. On plaçait les produits sur de la paille, du foin. Auparavant on utilisait des « baldingères » issues des roselières du marais en amont de l’étang de Nimelette. Pendant la guerre 14-18, l’usine « tourne » jusqu’en 1917 mais ferme d’avril 1917 à février 1919.

L’activité reprend tant bien que mal en mars 1919. Les années 20 seront cependant prospères pour la fabrique (35 ouvriers en 1923), mais il faut sans cesse trouver des marchés et se diversifer (production de « voussettes », vente de briques moulues pour tennis, parcs et jardins). Pendant la guerre 40-45, nous ne connaissons pas grand-chose des activités de l’usine sinon que cette dernière a été occupée par les Allemands durant « l’évacuation ». L’usine a  raisemblablement poursuivi ses activités dès le retour de la population.

La fabrication

Voici les différentes étapes :

  • extraction à la bêche ; chargement dans les wagonnets reliés à un câble par treuil et acheminés à l’usine à l’aide de rails ;
  • préparation des terres, étirement de la matière, mise en forme dans des moules ;
  • séchage ;
  • enfournement ;
  • cuisson à 1200 °C dans un four avec foyer à charbon et pouvant contenir 40 tonnes de divers produits.

Au début dans les années 60, émaillage de certains produits. Transport à l’aide de
« bayards » ;

en 1963, construction de fours à gaz ;

en 1967, incendie ) dégâts importants ;

en 1973, crise pétrolière puis hausse des salaires et du prix du gaz. Par manque de
moyens fnanciers, l’usine cessera ses activités en 1978.

Les tentatives suivantes pour « reprendre » l’usine échoueront et la fermeture sera
défnitive en 1934.

Reste la cheminée…

Les usines Maufroid à Bourlers

Les usines Maufroid

Les usines Maufroid

Au début du 19e siècle, plusieurs potiers originaires de Sars-Poteries (France) viennent à Bourlers (sous-sol riche en terre plastique) afn d’exercer leur profession. Ce sont les Maufroid, Leclercq, Lamblot… L’un d’entre eux, Donat Maufroid installé à Bourlers depuis 1934 sera à l’origine de la création des Usines Maufroid en introduisant en mai 1879 une demande auprès de la Députation permanente du Hainaut pour obtenir tuyaux, tuiles, carreaux céramiques.

Deux voisins proches s’opposent aussitôt à cette construction craignant les odeurs, les fumées etc. Néanmoins, les réclamations sont retirées aux conditions suivantes (cheminée des fours à au moins 18 m de hauteur, pas de petites cheminées à l’ancienne sauf derrière l’établissement). Le 5 septembre 1879, l’autorisation est accordée.

Donat meurt en 1885 et son fls Jules devient directeur de l’usine sous l’appellation
« Maufroid Frères & Sœurs ». Le nombre d’ouvriers évolue constamment (de 12 en 1886 à 40 en 1890).

En mars 1903, on installe une machine à vapeur de 15 chevaux, puis une autre en
1908 de 200 chevaux pour mouvoir les meules et pétrins nécessaires au broyage des terres plastiques. De nouvelles presses hydrauliques remplacent aussi les anciennes. L’usine fonctionne « volle gaz » si l’on peut dire…

La société dispose d’une salle d’exposition pour les carreaux céramiques et l’usine
obtient plusieurs médailles d’or. La terre plastique provient surtout de Baileux et
Bourlers mais aussi de Seloignes et Brûly. Le développement est spectaculaire : de 40 ouvriers en 1890 à environ 200 en 1904 !

Il est favorisé aussi par les nouveaux moyens de communication : téléphone en 1891, électricité en juin 1905 et liaison à la ligne de tram à vapeur Chimay-Cul-des-Sarts (1903). En août 1912, est constituée la « Société Anonyme des céramiques de Bourlers » qui remplace « Maufroid Frères & Sœurs ». Durant la guerre 14-18, les Allemands occupèrent l’usine avec tout leur arsenal de guerre. Après 1919, elle ne compte plus qu’environ 100 ouvriers. L’entreprise cesse ses activités en 1938, victime de la crise et de la proximité de la guerre 40-45 durant laquelle l’usine fut occupée par les Français puis par les Allemands. Après la guerre, les bâtiments et cheminées ont été progressivement abattus. La  dissolution défnitive de la société gérée par la famille Maufroid a été
officialisée le 31 mai 1954.

L’usine Poulet à Forges

L’usine Poulet

L’usine Poulet

L’extraction de la terre plastique et le métier de potier furent pratiqués au lieu-dit
« Poterie » à Forges pendant plusieurs siècles. Au début du 19e siècle, les François, Gobeaux, Dandenelle et Poulet étaient déjà reconnus potiers.

En 1856, un maître-briquetier Victor Poulet entame la fabrication des briques
réfractaires pour hauts fourneaux à destination de l’Angleterre. Les enfants de Victor Poulet créent en 1875 la société en nom collectif « Victor Poulet fls et sœur » qui fabrique des carreaux de pavement puis des carreaux en grès cérame à dessins incrustés. En 1889, l’entreprise est dénommée « Société Céramique de Chimay » avant de passer en « Société anonyme des carreaux céramiques de Chimay » en 1892.

L’usine est en constante évolution avec l’apport des machines, le problème important est l’approvisionnement en terres plastiques. En 1910, il existe encore une douzaine de puits et quelque excavations à ciel ouvert autour de la fabrique. Il faut importer des terres de meilleure qualité (Allemagne, Angleterre, France). Malgré cela, la production reste insufsante face à la demande (de plus, il n’y a pas de concurrence).

En 1892, avec une aide fnancière extérieure, Victor Poulet crée la S.A. La céramique nationale groupant Forges avec une unité importante à construire à Welkenraedt. À Forges, on fabriquera des carreaux de revêtement en faïence et grès émaillé tandis qu’à Welkenraedt, on produira des carreaux de pavement en grès cérame. Des carreaux à dessins fleurs, papillons, etc. sont créés pour décorer les palais des princes chinois !

Mais cette association nécessitant une collaboration avec des étrangers déplaît à
Victor Poulet qui reprend en 1910 son usine en S.A. « Société Céramique Poulet ».
Son beau-fls, Emile Hayot lui succédera jusque 1938. Après 1924, l’usine produit
uniquement des carreaux émaillés exportés dans le monde entier (Chine, Philippines, Egypte etc…)

Suite à la crise des années 30, la production est arrêtée en 1938. Après l’installation d’Hitler à Brûly-de-Pesche, en juin 40, le quartier général du haut commandement de l’armée de terre allemand est établi à l’usine avec un important central téléphonique. Le général Van Brauchitsch occupe la belle demeure des Hayot (actuel centre de nuit du foyer occupationnel La Boulaie).

La fabrication cesse complètement en 1956 et les bâtiments sont occupés par la
Société Degive. Terminons l’histoire de ces usines pour signaler entre 1880 et 1910, apogée des usines, un fameux accroissement démographique à Bourlers et à Forges (269 à Bourlers, 257 à Forges).

Quelques témoins architecturaux de ce passé industriel :

— éléments décoratifs sur les façades (style art nouveau) ;

— trottoirs ;

— céramiques décoratives ornant les halls d’entrée, les cuisines, les boucheries, etc. ;

Céramiques décoratives

Céramiques décoratives

— pavement de nombreuses maisons y compris des chapelles ;

— initiales de défunts au cimetière de Bourlers etc.

Épilogue

Les usines Maufroid et Poulet ont cessé leurs activités vers 1938, victimes de la crise des années 30, du manque de modernisation, de l’épuisement de l’argile locale et bien sûr des menaces de guerre.

Seule a subsisté jusqu’en 1978, la plus petite mais la plus ancienne : la fabrique
Martin. Ce fut la mort d’un secteur d’activité qui avait créé tant d’emplois et produit tant de matériaux de qualité.


Compte rendu rédigé par Léon Fassiaux d’après les notes fournies par le conférencier, Christian Constant


 


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6 commentaires sur “Les usines de carreaux céramiques, des produits réfractaires et de grès à Bourlers et à Forges

  • Philippe DOCQUIER

    Merci pour ce récit sur la Fabrique Martin, que je ne connaissais absolument pas; Edouard Martin fut un de mes aïeux, dont je connaissais les fonctions de Régisseur au château, puis “caissier” de la Compagnie de Chimay.
    Bravo et Merci

    Philippe Docquier

  • Dumont

    Merci maintenant je sais d ou proviennent les carreaux de ma facade en belgique .
    A l arriere est note CERAMIQUE DE CHIMAI.
    Le y de chimay viendra surement apres .
    Ma maison a 123 ans .
    Quand je pense que j ai habite chimay dans les annees 80 .
    On en append tous les jours