Les grands jardins de Charles III de Croÿ



Large résumé de la conférence donnée le 19 octobre 2016 par Jacques Buchin


En 1580, quand Charles III entre en possession de la principauté de Chimay, il entreprend le relevé de toutes ses propriétés sous la forme de cadastres. Entre 1585 et 1598, les plans cadastraux de la région chimacienne sont terminés. Il confie alors à son peintre attitré, la tâche de copier ces documents et de venir dans toutes les localités de la seigneurie afin d’en exécuter des aquarelles de qualité. Existent donc, peu avant 1600, trois types de représentations : les cadastres initiaux, leurs copies et les tableaux artistiques. En 1606, le prince rédige un manuscrit intitulé « Description de la terre, chasteau, ville, principaulté et payrie de Chymay ». Il y intègre les plans des « Grands jardins » accompagnés de commentaires d’une grande précision.
Voyons d’abord le 23e plan. Les quatre images suivantes permettent de bien situer l’ensemble dans le contexte paysager actuel. (Fig. 1, Fig. 2, Fig. 3 et Fig. 4). En revanche, seule une échelle empirique hasardeuse de 1/4 250e autorise une approximation des surfaces. Environ 4 ha pour les jardins proprement dits et 15 ha pour les vergers
Fig. 1Fig. 2Fig. 3Fig. 4
Fig. 1

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Fig. 2

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Fig. 3

Fig. 3

Fig. 4

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Voyons ensuite ce que nous montre le 29e plan du contenu des cultures ainsi que des arrangements floraux et décoratifs. Huit de ses zones en font voir les aspects particuliers.(Fig. 5, Fig. 6, Fig. 7, Fig. 8, Fig. 9, Fig. 10, Fig. 11 et Fig. 12).
Fig. 5Fig. 6Fig. 7Fig. 8Fig. 9Fig. 10Fig. 11Fig. 12
Fig. 5

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Fig. 6

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Fig. 7

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Fig. 8

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Fig. 9

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Fig. 10

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Fig. 11

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Fig. 12

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Et enfin examinons comment Adrien de Montigny a représenté ces jardins de façon plus artistique. Quatre aquarelles suffisent à cet effet. (Fig. 13 à Fig. 16).
Fig. 13Fig. 14Fig. 15Fig. 16
Fig. 13

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Fig. 14

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Fig. 15

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Fig. 16

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Par ailleurs, entre 1607 et 1612, un artiste anonyme consacre au même sujet un dessin à la plume très fouillé, en une perspective cavalière surhaussée prise du sud. (1.17).
Fig. 17

Fig. 17

Charles III décède en 1612. Les aménagements sont alors loin d’être terminés. On estime toutefois qu’Alexandre, neveu du prince disparu, aura pu mener à bon terme les travaux d’achèvement des jardins vers 1623.
Mais cinq ans plus tôt a débuté la Guerre de Trente ans. Ses opérations militaires affecteront l’intégrité du domaine à maintes reprises. On retiendra les dates de 1622, 1637, 1640 et 1643 comme les plus évidemment ravageuses. Il faut cependant y ajouter 1651 et les quatre conflits franco-impériaux entre 1659 et 1713 durant lesquels de constants mouvements de troupes ont à coup sûr affecté les jardins.
La question se pose alors de savoir ce qu’il en reste. Hélas, on manque de témoignages précis. Plus troublant encore, un plan non daté mais contemporain de ces événements semble révéler, soit que tout est resté intact ou bien rétabli sous la forme originale, soit que l’auteur a « combiné » des images d’époques différentes ! A défaut de preuves, choix impossible entre ces extrêmes !

Fig. 18

Fig. 18

. La logique suggère cependant que les jardins ont vraiment souffert et que la situation financière de la famille princière durant cette période n’a pas permis de leur rendre le lustre d’antan.

Il serait donc plus raisonnable de croire en la ruine partielle des jardins mais pas en leur abandon, car des informations ultérieures donnent à penser que des efforts de réhabilitation ont bien été consentis durant la première moitié du 18e siècle. Certains détails comparatifs entre ce plan énigmatique et le plus fiable des précédents devraient le situer dans la fourchette 1651-1678. Seule la géographie générale du 18e siècle fera voir pour la première fois une claire représentation de l’objet de notre intérêt d’aujourd’hui. Ce sont les deux cartographes français Trudaine et Perronet qui nous la présentent dans leur « atlas des routes » daté de 1747.

Fig. 19

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.

Pour Chimay, on voit peu de chemins, rien sur la ville et presque tout sur le parc et jardins. Ce qui semble paradoxal s’explique mieux qu’on pourrait croire. Les auteurs sont mal renseignés sur la topographie des régions voisines, longtemps restées sous la coupe impériale. Ils auraient peut-être exagéré la « décoration » de leur carte à défaut de pouvoir y faire voir un réseau routier complet et correct.
En revanche, la surface de terrain apparemment rendue au jardinage floral et potager couvre la totalité de la superficie d’origine. Trudaine et Perronet auraient-ils embelli la réalité en négligeant la peu spectaculaire représentation des vergers ?
Dans sa version de 1766, Tellier relate les effets d’une tempête survenue à Chimay. Elle aurait « causé des ravages notamment au jardin du seigneur prince”. Pourrait-on induire de cette mention qu’une réhabilitation, au moins partielle des jardins, ait été entreprise au cours des décennies précédentes ?
L’incertitude persiste. Mais ne serait-il pas possible d’y voir plus clair à l’aide de documents locaux ? En 1770, trois différentes moutures des manuscrits du doyen Tellier peuvent être consultées. Or les plans annexés à ses textes sont parfaitement fiables…
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Fig. 20

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Fig. 21

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La survivance du domaine ne fait aucun doute. On peut donc en inférer qu’au moins les jardins proprement dits ont été partiellement refaits ou maintenus. A l’exception du « triangle floral » devenu « piquerie », on retrouve la disposition « parquetée » du 17e siècle.
Il faudra cependant attendre la parution du premier véritable cadastre moderne pour comparer avec précision les surfaces du 17e avec celles du 19e siècle. Celui du géo-topographe Philippe Christian Popp van Schaalwijk, parut vers 1866. Une raisonnable moyenne de ces diverses mesures des parcelles concernées conduit à affecter 15,5 hectares aux vergers et 4,5 hectares aux jardins, bâtiment annexe compris.

Fig. 22

Fig. 22

Entre 1959 et aujourd’hui, on constate en quoi la croissante urbanisation a peu à peu défiguré l’image originale des « Grands Jardins ». Ainsi en va-t-il de toutes les entreprises humaines : si ambitieuses et belles qu’elles peuvent être, le temps les efface selon les besoins paraissant alors essentiels.

Jacques Buchin

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