La Distillerie de bois de Chimay et Saint-Remy 1



Compte rendu de la conférence donnée le 20 janvier 2016 par Janine Buet & Germain Michelet


 

C’est sur le site compris entre le pont de Saint-Remy sur l’Eau Blanche et le talus du chemin de fer de l’État que s’étendait la distillerie de Chimay et Saint-Remy.

Ce dessin enjolivé mais assez réaliste figurait en en-tête du courrier de l’usine

Ce dessin enjolivé mais assez réaliste figurait en en-tête du courrier de l’usine

L’implantation de l’usine

À la fin du 19e siècle, l’usine Lambiotte à Marbehan décide d’acheter des terrains dans la région de Chimay pour y implanter une succursale. Cette société exploitait donc déjà une usine à Marbehan, une autre à Poix-Saint-Hubert et avait également implanté à Prémery dans la Nièvre une usine de production de charbon de bois et de produits chimiques.

Après l’obtention des autorisations auprès des autorités communales de Chimay et Saint-Remy (1899-1900), deux briqueteries (aux Wayères et au Plateau) sont établies pour « une saison » afin de produire les briques nécessaires à la construction de l’usine (aucune opposition à ces établissements ne se manifeste). Le 9 novembre 1899, la société anonyme « La Distillerie de bois de Chimay » demande l’autorisation d’établir sur les territoires de Chimay et de Saint-Remy au lieu-dit « Le Plateau » une fabrique d’acide pyroligneux avec récupération des sous-produits (goudron et alcool), des appareils à vapeur et des appareils électriques d’éclairage.

Le 19 juin 1900, les administrations communales de Chimay et Saint-Remy ouvrent une enquête de commodo et incommodo auprès des riverains compris dans un rayon de 250 mètres. Les risques de pollution de l’environnement et des eaux sont en effet réels mais finalement le projet est accepté : la perspective de la création de nombreux emplois pencha favorablement dans la balance. L’entreprise doit se conformer cependant à de nombreuses conditions (éloignement du dépôt de bois, brûlage des produits gazeux, épuration des eaux résiduaires de lavage, précautions contre les émanations, protection des ouvriers (alcoolerie), hauteur de cheminée (30 m ou plus si nécessaire), vigilance quant aux installations électriques).

Le fonctionnement

Les activités de l’usine consistent à la fabrication industrielle du charbon de bois. Elle résulte de la pyrolyse du bois (c.-à-d. la combustion sans oxygène) qui produit aussi de l’acide pyroligneux et des gaz. 30.000 tonnes de bois étaient traitées annuellement.
Le directeur gérant est M. Jules Leroux, installé à Chimay depuis 1892 où il exploite déjà à la Place du Faubourg une savonnerie et un dépôt de pétrole. La mise en route des installations est confiée à du personnel de la région de Bertrix. De jeunes ouvriers arrivent à St Remy au cours de l’année 1900, notamment Auguste Foulon, grand-père de Janine Buet. Ils se marient avec des jeunes filles de Saint-Remy et y font souche.
L’entreprise prospère rapidement et emploie de 175 à 300 personnes. C’est une période florissante pour les habitants de la région malgré les salaires modiques et les conditions
de travail (12 h/jour).
Au début de l’installation, des mesures sont prises par la Direction pour protéger les secrets de fabrication. Des vues de l’usine et des plans présentés lors de la conférence permirent de se faire une idée assez précise de l’importance de ce complexe industriel.
Les différents aménagements préalables à la mise en service de l’usine

  1. Le déplacement d’un sentier formant la limite entre St Remy et Chimay avec comme conséquence l’installation d’une nouvelle passerelle sur l’Eau Blanche.
  2. Le raccordement de l’usine au chemin de fer (ligne Chimay-Momignies). L’achat d’une locomotive équipée d’une chaudière est nécessaire pour effectuer des manœuvres à l’intérieur de l’usine.
  3. Les prises d’eau dans le ruisseau du Bardompré et l’Eau Blanche. Celles-ci sont indispensables pour faire fonctionner l’usine (refroidissement du charbon de bois et fonctionnement des machines à vapeur). L’eau provenant du Bardompré est stockée dans un grand bassin et celle puisée dans l’Eau Blanche dans un puits. Le redressement du cours de l’Eau blanche dans la traversée de leurs propriétés fut sollicité par la Société et un particulier habitant la « Cense Huau » auprès de la Députation permanente. Cette dernière émet un avis favorable mais cette décision entraîne bien des plaintes à cause de la destruction du lavoir et du fait que la fontaine Sainte-Geneviève avait été bouclée. Finalement, tout s’arrange avec la promesse de la Direction de créer un lavoir non couvert sur l’Eau Blanche pour les habitants de Sainte-Geneviève. En outre pour faciliter l’accès à l’usine pour les ouvriers venant des Wayères et du Trieu Godin, le sentier no 78 est prolongé et une passerelle pour piétons est nécessairement établie.
  4. Réclamation des habitants concernant les activités de l’usine

Celles-ci concernent la pureté des eaux de l’Eau Blanche. Une provient notamment des habitants de Vaulx dont le bétail s’abreuve à la rivière. D’autre part, un journal régional de 1903 relaie les plaintes des villages situés le long de l’Eau Blanche en aval de Chimay (Virelles, Lompret, Aublain, Boussu, etc.) : les poissons crèvent et l’eau n’est plus potable. Pour eux, il ne serait pas compliqué de décanter les eaux.
Enfin, l’air de la campagne à Saint-Remy est saturé de fumées âcres. C’était « le goût Leroux », disaient les gens.

L’expansion

L’usine vue de la rivière. Entre les deux hautes cheminées, l’ensemble des bâtiments.

L’usine vue de la rivière. Entre les deux hautes cheminées, l’ensemble des bâtiments.

En 1908, la direction demande l’autorisation d’installer un réchauffeur d’eau (Economiseur Green), une pompe automotrice, un appareil à préparation de lait de chaux, une pompe automotrice à vapeur. Durant la guerre 14-18, l’usine est partiellement détruite (50 ouvriers y travaillaient).
En 1919, l’usine fournit le courant au village de Saint-Remy. En 1920, l’entreprise est en pleine expansion et de nouvelles machines à vapeur sont installées (force motrice et électricité).

La fin de la Distillerie

Les bâtiments de la Distillerie au début des années 60

Les bâtiments de la Distillerie au début des années 60

Le déclin s’annonce progressivement à partir de 1930. La grande crise économique des années 30 fait son œuvre, la concurrence des produits pétroliers également. Après un chômage partiel, l’usine cesse toute activité en 1933 entraînant la perte de nombreux emplois. Elle sert d’entrepôt pour les Allemands durant la guerre 40-45 puis est le terrain de jeu des enfants du village. Le site est mis en vente par la société Lambiotte en 1964 (bâtiments ruinés, maisons, pâtures, terrains incultes…). La cheminée est démolie en 1968. Le terrain sur la commune de Chimay est devenu un lotissement et celui sur Saint-Remy un terrain vague. Qui pourrait s’imaginer maintenant qu’il y a quelque cent ans, un complexe industriel important existait et produisait une intense activité.


Compte rendu rédigé par Léon Fassiaux, très fidèlement à l’article de Germain et Janine Michelet-Buet, paru dans la revue En Fagne et Thièrache, Tome 186, 2015.


 


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Commentaire sur “La Distillerie de bois de Chimay et Saint-Remy

  • REIS Eric

    Madame,
    Monsieur,
    Disposeriez-vous d’éléments concernant le personnel des usines de St Remy ?
    En effet, dans le cadre d’une recherche généalogique, je m’aperçois que mon arrière grand-père, REIS Joseph Auguste, provenant de Bertrix s’est “expatrié” dans à St Remy (Chimay) dans les années 1900…. où il fut contremaître dans une usine.
    Le fait de ce déplacement est peut-être à mettre en relation avec le déplacement de personnel en vue de lancer une usine ?

    D’avance, je vous remercie pour cette précieuse information

    Eric REIS