Charles de Croÿ : Que reste-t-il de ses amours passionnées, au temps de Dorothée, le temps de Beaumont à l’âge d’or ?



Compte rendu de la conférence donnée le 18 janvier 2017 par Béatrice Briquet-Fagot


Survol de Beaumont de 1560 à 1612 au temps de Charles de Croÿ, de ses rencontres, du cocon littéraire et musical du château de Beaumont au temps de Dorothée, de l’expansion économique de la petite ville à cette époque. Et maintenant ? Vestiges, rues et ruelles, monuments, paysages, … tout nous rappelle la grandeur d’antan !

C’est au château de Beaumont que naît un des plus grands seigneurs de la Renaissance, Charles de Croÿ, le 1er juillet 1560. Issu d’une famille illustre, son père Philippe De Croÿ, duc d’Arschot et sa mère Jeanne de Halewijn dont le grand-père, Georges de Halewijn, grand humaniste, détenait une des plus grandes bibliothèques des Pays-Bas : plus de 5.000 ouvrages.

Georges de Halewijn, vicomte de Nieuwpoort, avait comme grand ami Erasme, qui disait à son propos en écrivant une lettre à Thomas More : « Tous les grands seigneurs s’attachent à faire instruire leurs enfants dans les Belles Lettres, mais aucun de ces courtisans n’est vraiment lettré, si ce n’est le seul Georges de Halewijn ».

C’est dans un contexte hautement culturel que Charles de Croÿ sera baigné dès sa plus tendre enfance. Ses parents choisissent le Collège des Trois Langues à Leuven pour son instruction et dès l’âge de 8 ans il reçoit un enseignement des plus pointus sous l’autorité de son précepteur Valérius, qui a enseigné à Juste Lipse dont la renommée a dépassé les frontières des Pays-Bas.

Au Collège des Trois Langues, Charles de Croÿ est plongé au milieu d’humanistes imprégnés de l’esprit d’Erasme. Les disciplines sont très variées : langues, mathématiques, botanique, astronomie, agronomie, dialectique …

Déjà adolescent, Charles de Croÿ est porté sur l’Amour des Jardins et voici ce qu’il écrit au jardinier de l’Empereur d’Autriche :

Monsieur Clusius. Comme je prends grand plaisir en la connaissance des simples, plantes, fleurs que suis seur que Sa Majesté Impériale en reçoit journellement de tous costez, ayant entendu vous en estes le superintendant, je vous prie de bien bon cœur me vouloir envoier pour le mois de juillet quelques plantes singulières desquelles on ne recourt point icy, ou bien, vous le faisant, me ferez un singulier plaisir, lequel je désire recognaistre envers vous en tout ce que je pourray ou feray, me recommandant de bien bon cœur à vous, suppliant le Créateur, monsieur Clusius, vous maintenir en sa sainte grâce.

Le château de Beaumont et les jardins seront ainsi pourvus de plantes rares que les gouaches en miniatures d’Adrien de Montigny nous révèlent.

Son premier mariage austère et rigide avec Marie de Brimeu en 1580 n’est pas une réussite. Il devra attendre son décès en 1605 pour vivre un amour passionné avec Dorothée sa cousine. Dorothée, de haute noblesse – son père, Charles Philippe de Croÿ, marquis d’Havré et sa mère, Diane de Dompmartin, marquise d’Havré – se marie avec Charles de Croÿ le 18 décembre 1605.

Tous les deux partagent l’amour des poèmes, chansons. Tous les deux composent des stances du style de l’époque marquée par la Pléiade avec Ronsard et Du Bellay.

Amoureux des Arts, ils ornent l’un et l’autre les poèmes de croquis, petits dessins et partitions de musique qu’ils chantent ou récitent devant leurs hôtes prestigieux. Car le château de Beaumont était devenu l’un des plus beaux des Pays-Bas et accueillait des personnages érudits dont Rockox, bourgmestre d’Anvers et Nicolas de Peiresc, savant astronome et collectionneur numismate … Charles de Croÿ se fait entourer
d’un peintre valenciennois,
Adrien de Montigny qui éternise en miniatures toutes les propriétés – châteaux, fermes, moulins, villages … qui seront rassemblées dans les fameux albums de Croÿ.

Il s’attache un secrétaire, François Liénard qui fera le relevé de toutes les propriétés : châteaux, bois, prairies, champs, étangs, … et un relevé des frais et rentrées de chacun de ceux-ci dans ce qu’on appelle « les Besoignés ».

Toute cette renommée entraîne une administration et un service de haute qualité.

La comtesse Marie de Villermont nous en livre quelques lignes :

Charles espère que la bonne administration qu’il est en train d’organiser remédiera à tout cela. Il ne se contente pas d’en tracer le plan sur papier, il veillera lui-même à son exécution. Ses comptables et baillis lui remettront leurs livres avec la certitude qu’ils seront soigneusement épluchés. Quand le duc les a examinés, il écrit à la fn : leu, releu, visité et revisité du tout entièrement, et il signe.

Mais que les revenus arrivent ou manquent, il ne faut pas moins de l’argent pour l’entretien de l’immense personnel de la maison du duc d’Arschot.

Il y a d’abord un superintendant. Ce personnage est à la tête de toute l’administration, il préside la chambre du conseil et des comptes et a, pour le servir, un clerc, un valet et deux chevaux.
Vient ensuite le trésorier général et maître des comptes qui a aussi un clerc, un valet et deux chevaux.
Puis c’est : Le maître des comptes, son valet et un cheval, le grefer, son valet et un cheval, l’huissier.
Ces personnes forment le groupe important de l’administration des domaines.

C’est ensuite la maison ducale proprement dite. A sa tête se trouve le maître d’hôtel, auquel tout le monde doit obéir. C’est par lui que passent les ordres du maître.
Après lui vient l’écuyer pourvu d’un pouvoir tout aussi absolu sur le personnel des écuries.

Le duc a quatre gentilshommes dont l’un a le titre de couppier. Ces quatre personnes ont chacun un serviteur et un cheval.
Viennent le chapelain et le médecin, ce dernier a un valet pour l’aider dans ses manipulations pharmaceutiques et autres besognes concernant son art.
Il y a aussi deux secrétaires et un clerc pour le service particulier du duc.

Après quoi c’est la foule des sous-ordre :
Six pages.
Deux Valets de chambre – Six laquais – Un argentier – Un crédencier – Un dispencier – Un bouteiller – Un valet de salle.
Et pour la bouche : Un maître cuisinier – Un maître pâtissier – Un boulanger – Un aide de cuisine – Un brasseur.
Enfn, c’est le portier, le jardinier et deux lavandières. Pour le service des écuries sont nommés : Le maître palefrenier – Trois palefreniers en second.
Un aide -Un cocher – Un charretier – Un muletier – Deux aides.
N’oublions pas deux trompettes et un aide qui ont la charge d’annoncer les repas et les sorties ducales, enfn trois hommes chargés de fournir de gibier la table du maître : le «braconnier», le tireur et le fauconnier.

Ayant hérité de l’immense collection de livres de son aïeul Georges de Halewijn, Charles de Croÿ change la fonction de la Tour Sainte Barbe (Tour à l’Amour), ancienne poudrière en bibliothèque. La Tour Salamandre elle-même abritera les plus belles collections de médailles car Charles de Croÿ, collectionneur et numismate averti détenait un médailler des plus imposants.

Charles de Croÿ et Dorothée relient la Tour à l’Amour et la Tour Salamandre d’une galerie qui contiendra les tableaux des maîtres de la Renaissance (Véronèse, Pourbus, Rubens, Jordaens, Van Der Weyden, Gossart…). Plus de 234 œuvres prestigieuses.

La Tour à l’Amour a perdu sa superbe toiture en forme de poivrière et la TourSalamandre fait l’objet actuellement d’un dossier de préservation et de restauration.

Le château de Charles de Croÿ a été entièrement incendié en 1655 et fait place de nos jours à l’immense parc de l’Institut Paridaens.[Fig. 1]

Fig. 1 : Survol dans les siècles, du 17e au 20e siècle

Fig. 1 : Survol dans les siècles, du 17e au 20e siècle



Fig. 26
Les anciennes halles de Beaumont qui servaient d’entrepôt des poids et mesures permettaient au prévôt de contrôler les sacs de grains et de céréales que les marchands vendaient le jour du marché [Fig. 2].

Fig. 2


Maintenant, Ville touristique, Beaumont accueille avec ses restaurants, tavernes et cafés les touristes de passage.

  • Encore plus de renseignements sur Charles de Croÿ, Dorothée et les grands personnages qu’ils ont accueillis en leur château ? Détails sur l’évolution de 1500 à nos jours…
    Réservez dès à présent notre brochure détaillée qui paraîtra en avril à l’Ofce du Tourisme de Beaumont, 10 Grand Place, 6500 Beaumont, Tél. : 071/58.81.91, Mail : officetourismebeaumont@skynet.be
  • Une promenade actuelle dans la ville (encore 1,5 km de remparts, tours et mailles) fera prendre conscience aux lecteurs de la transformation qu’a subie la ville avec les guerres, des personnages importants qui ont vécu dans les maisons de maître, et des noms de rues et des places qui relatent la vie de jadis et qui se sont modifés avec les événements du 20e siècle.

Béatrice Briquet-Fagot,
Présidente de l’Ofce du Tourisme de Beaumont


 

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