Que sont les cafés devenus ?



Compte rendu de la conférence donnée le 20 avril 2016 par Philippe Tabary


A. Généralités

Quels qu’en soient le nom et l’enseigne (voir plus en avant), les débits de boissons se comptaient 520 000 en France en 1900, 400 000 en 1945 et seulement quelque 35 000 de nos jours.

Comment expliquer cette disparition massive ? Lieux de rencontre, carrefours de la vie, ils ont abrité bien des activités humaines, des discussions politiques, des actions et des oppositions. Essentiels pour l’expression des libertés, ils ont certes évolué à travers le temps mais ils ont toujours été tenus en suspicion par le pouvoir comme autant de foyers de contestation et dès lors soumis à une règlementation discriminatoire, plus ou moins habilement masquée sous le paravent des bons prétextes et des pieux sentiments au gré des régimes. 

Bon nombre de bonnes consciences se réjouissent de leur disparition. Alors qu’aujourd’hui, ils sont dix fois moins nombreux, la consommation d’alcool est loin d’avoir fléchi dans les mêmes proportions. La consommation d’alcool dans les cafés ne représente que 25 % de la consommation globale !

Les grandes causes de la disparition sont multiples : la professionnalisation, la taxation lourde de l’alcool, les effets d’une moralisation excessive, la multiplicité des lieux de débit de boissons etc. Il faut aussi tenir compte de l’évolution des habitudes de vie, de l’affaiblissement des relations communautaires dans les villages, les agglomérations, les quartiers urbains.

L’usage massif de la voiture comme moyen de locomotion a eu des conséquences funestes telles que la législation drastique dans la répression de l’ivresse (bien compréhensible pourtant) et, sur un tout autre plan la possibilité d’aller partout bien loin de ses bases…

Les nouvelles habitudes des jeunes ont aussi influé sur le destin des cafés. Le vin est devenu ringard, on ne consomme plus la pils comme avant pour laisser la place aux bières spéciales dans de beaux mais parfois rares établissements. L’interdiction de fumer à l’intérieur n’arrange pas grand chose non plus.

Les cafés ont joué un rôle important dans la socialisation et dans l’évolution sociétale. Il y eut les cafés littéraires (Procope, chez Flore), les cafés où se tenaient les réunions politiques, syndicales (1 Mai – Fourmies par ex.) C’est dans l’arrière-salle des cafés que se tenaient les réunions des syndicats agricoles. C’est le 23 juillet 1888 qu’une chorale chanta pour la première fois l’Internationale au café « La Vignette » à Lille (sur l’air nouveau de Degeyter). Les ouvriers aimaient se retrouver dans un lieu plus agréable que leur habitation très exigüe et insalubre. Dans les cafés, la cagnotte faisait ofce de caisse d’épargne ; l’instituteur lisait les journaux ou servait d’écrivain public ; les jeux populaires y étaient organisés (cartes, boules, quilles, jeux de hasard, jeux divers ; c’était aussi le local des « coulonneux » (colombophiles) et pour faire court le café était le siège de quantité d’associations (local de sports par ex). Les médecins dans des temps plus éloignés y donnaient parfois des consultations… 

B. Les cafés-synonymes

— assommoir (éty-assommer-amener au sommeil voir Zola)
— auberge (un lieu en retrait des lignes de bataille
— le repos du guerrier
— bar (référence à la barre du comptoir)
— barrière (lieu où on contrôlait) v. barrière d’octroi
— beuglant (café-concert populaire à la fn du 19e siècle)
— bouge (café mal famé, mal fréquenté)
— boui-boui (local dans une ferme au bout de l’étable)
— bougnat (café des Auvergnats)
— bistro(t) – (étym. – bestro = vite en russe ?)
— bouchon (à Lyon – bouchon avec du foin comme enseigne)
— bouillon
— buvette
— boc – bocart (mauvais cabaret)
— boxon (confusion café – prostitution)
— cabaret (petite pièce – aspect un peu négatif)
— café (1575) où on proposait aussi du  chocolat, du citron…
— caboulot (se rattache à cabane – péjoratif)
— cantine (étym. – café situé « au coin »)
— caberdouche (péjoratif)— crèmerie (plus récent)
— chapelle – comptoir
— estaminet (étym. – stam – poteau, germanique stam/Tisch)
— gargotte (étym. – garganta : la gorge)
— guingette (en plein air – nature – lieu où on danse)
— goguette – jaune (argot)
— hostellerie – hôtel
— lupanar (lieu de débauche – lupa (prostituée))
— pub – taverne (latin taverna)
— troquet et mastroquet et bistroquet
— tournebride
— zinc (métonymie – matière → local)

C. Quelques enseignes

— au bizu (étudiant 1er année)
— au coraza ;
— au rendez-vous des prolétaires ;
— au galibot ;
— au ramponneau ;
— au pied de bœuf ;
— à la truie ;
— au bœuf sur le toit ;
— au lion d’or ;
— au dernier sou ;
— aux trois suisses ;
— au besant d’or (besant : monnaie d’or de Byzance) ;
— au conin (lapin + connotation sexuelle) ;
— à la fleur de lys ;
— au pont d’Arcole (victoire française) ;
— au café du commerce ;
— au cheval blanc ;
— chez Bébert et Nénette, etc. (des centaines de versions !) ;
— chez Loulou (bien connu de certains Chimaciens).

D. Conclusion

En Belgique, on compte à l’heure actuelle encore 11 000 cafés pour 200 000 en 1900. Il fut un temps où les pouvoirs publics encourageaient la consommation d’alcool pour le bien-être et la santé. Et oui ! Ça disparaît, mais on tient le coup !

À votre santé !


Compte rendu rédigé par Léon Fassiaux.


 

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