Le site de l’abbaye d’Aulne : ombres et lumières d’un lieu qui conjugue histoire, art et spiritualité




Compte rendu de la conférence donnée le 17 décembre 2014 par Christian Daubie


Le conférencier évoque d’abord le lien entre Aulne et Chimay : à savoir la similitude de style monacal. Aulne est une abbaye cistercienne fondée au 12e siècle dans la mouvance des fondations effectuées par Saint Bernard de Clairvaux qui prônait le retour aux valeurs apostoliques de pauvreté, d’obéissance et d’ascétisme. De même, Chimay est une abbaye de trappistes qui pratiquent la stricte observance selon la réforme de l’abbé de Rancé. Toutes les deux ont la même philosophie, somme toute, mais qui peut être fluctuante au cours des siècles.

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Figure 1.1 Vues aériennes du site de l’abbaye d’Aulne
M. Daubie nous propose ensuite une lecture de Roger Foulon, le chantre renommé de la Thudinie. En synthèse, nous dirons que cet auteur évoque en parlant d’Aulne, un lieu mythique, un haut lieu de la chrétienté, un endroit privilégié dans cette magnifique vallée. Avec l’arrivée des moines, tout se met à changer, à s’aménager. Cette terre vouée à la seule nature devient vouée à Dieu. Les hommes qui y vivent ont pour mission de louer Dieu, de l’aimer et de le faire connaître. Roger Foulon exprime dans ce texte sa bouleversante admiration pour ce domaine sublimé par une très grande vision spirituelle. L’abbatiale est merveille par son élancement exceptionnel (voir Laon par ex).
Le conférencier nous parle ensuite de Saint Landelin, filleul d’Aubert, futur évêque de Cambrai. Il a vécu au début du 7e siècle. Doué, riche, beau mais instable, Landelin est séduit par des voyous et devient brigand, débauché. Il se fait appeler Morosus. Il s’établit sur les bords de la Sambre, lieu de passage de gens, de bateaux qu’on va rançonner.
Mais son parrain Aubert n’accepte pas ce dévoiement.
Un jour, Landelin perd un ami et dans la nuit il voit en songe cet ami dans l’horreur de l’enfer. Bouleversé, il décide de changer de vie. Il fait pénitence, va à Rome et en revient chargé de la mission d’évangéliser la région de la Sambre où il a fait beaucoup de mal. Il va prêcher le long de la Sambre ; il bâtit de petites communautés à Lobbes, à Aulne, au pays de Sambre, à Wallers, à Crespin. Landelies porte d’ailleurs le nom de Landelin.
Landelin meurt le 15 juin 686. Landelin, c’est le départ d’Aulne qui deviendra par la suite prestigieuse, riche et connaîtra la splendeur.
Elle revit d’ailleurs avec le festival musical d’Aulne (33e édition) et d’autres manifestations.
Le conférencier nous montre ensuite toute une série de vues d’Aulne :
  • le chœur et le transept,
  • une petite statue de la Vierge (les églises cisterciennes sont toujours vouées à la Vierge),
  • une vue à partir du porche de la nef assez étroite,
  • la façade attribuée à Dewez,
  • un très beau vitrail dans le transept droit,
  • sur l’extrême droite, un petit morceau de la façade classique,
  • la fameuse façade baroque, symbole de la splendeur d’Aulne (17e siècle – 18e siècle),
  • la cour d’honneur avec un bassin,

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Figure 1.2
  • la façade du quartier des hôtes,
  • le cloître dont l’entrée est encore un peu gothique mais dont la réfection entière est classique,
  • une vue champêtre du domaine d’Aulne,
  • les restes d’un petit pavillon, lieu de discussion,
  • l’hospice Herset (l’arrière),
  • la demeure du meunier,
  • l’église actuelle de 1828, bâtie lors de la création de l’hospice, pas très belle mais lieu de manifestations diverses (concert par ex.),
  • le verger derrière le chœur de l’église,
  • encore une vue près du cloître.
Esquisse historique
Du point de vue de l’étymologie, Aulne est en rapport avec les aulnes qui étaient nombreux dans cette région. On trouve successivement les formes suivantes : Ane – Anium – Halna – Alne – Aulsne et enfin Aulne en 1479. Au niveau du parler populaire, les gens des environs disaient : « on va à Ane ».
L’histoire de l’abbaye commence à la mort de Saint Landelin en 686 et se termine en 1794 lorsque l’abbaye est mise à feu par le général français Charbonnier.
Après Landelin, vient Ursmer de Lobbes qui est l’abbaye sœur. Puis, dans ces monastères, il a fallu faire des choix. A Lobbes, c’était une abbaye bénédictine de tradition clunisienne fort centrée sur la liturgie et le faste. A Aulne, il y avait des chanoines suivant la règle de St Augustin jusqu’au moment où l’abbaye devient cistercienne comme dit supra (12e siècle). C’est un tout autre choix. Aulne a gardé tout son domaine. Après Villers-la-Ville, c’est le 2e plus grand site de ruines bien conservé en Belgique. Aulne est situé aux confins de la Principauté de Liège et va subir une cohabitation assez difficile avec les Pays-Bas et le ressac de toutes les guerres entre les Pays-Bas et la France. Aulne va connaître des moments de destruction que certains attribueront à une autorité excessive de l’abbaye sur la région, ce qui n’est pas tout à fait juste car dans les grandes famines, Aulne a su aider la population. Certains abbés ont vu grand dans la gestion d’Aulne. Il y eut des heures de splendeur. À Aulne, se trouvait aussi le Vicaire général de la Principauté sur le plan de l’autorité cistercienne. Au 18e siècle, Aulne est une abbaye savante. Les moines sont formés à Louvain dans tous les domaines de la connaissance. La bibliothèque est une merveille.
Puis, c’est la Révolution française et la bataille de Jemappes avec l’invasion de l’abbaye qui provoque le premier exode des moines vers l’Allemagne. Ces derniers reviendront après la bataille de Neerwinden en 1793.
Ensuite, en 1794, c’est la fameuse bataille de Fleurus. Les moines partent vers des refuges puis se dispersent un peu partout car ils n’ont pas prêté serment d’allégeance aux autorités républicaines (tout comme leur abbé Dom Herset, homme remarquable).
Le feu est mis à l’abbaye après qu’elle eut été pillée.
Ce n’est pas encore la fin car Dom Herset veut revenir. C’est son devoir. Il essaie de faire revenir quelques moines, mais c’est très difficile, car ils se sont dispersés dans toute l’Europe occidentale. Herset en tire les conclusions : le retour à Aulne est un échec.
Le conférencier nous lit ensuite quelques extraits de son testament. Herset lègue divers biens, notamment à certains « confrères », mais veut impérativement que soit fondée à Aulne une maison d’hospice, après la mort des derniers moines, sous la vigilance et l’administration des curés de Thuin et de Gozée et du bourgmestre de Gozée. L’hospice sera créé effectivement avec une commission administrative à la tête de la fondation Herset. Actuellement encore, le doyen et le bourgmestre de Thuin sont les autorités de gestion et d’administration. Le home est fermé mais les bâtiments sont là. Une donation est envisagée au CPAS de Thuin mais avec des charges à respecter ! Les lieux historiques doivent être sauvegardés et entretenus (église et bâtiments attenants).

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